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La traduction littéraire est un important vecteur d'ouverture et de dialogue entre les cultures. Toutefois, ce dialogue peut se révéler biaisé lorsque l'activité des traducteurs se déploie dans un cadre politiquement contraint et orienté par des desseins idéologiques. Quel « Autre » importe-t-on, dans ces conditions, vers la langue-cible ? Comment, pour quel public et avec quel objectif ?
La période de l'Occupation allemande en France (et aussi en Belgique), cristallise de manière exemplaire ces interrogations. Les quatre années durant lesquelles la France a été soumise à la loi de l'Occupant a eu, outre d'évidentes répercussions politiques et économiques, un impact important dans la vie culturelle du pays : il s'agissait en effet pour l'Allemagne fasciste de mettre au pas la France vaincue après l'armistice de 1940 et de lui imposer un ordre nouveau fondé sur les valeurs nationales-socialistes, avec, au premier plan, et au moyen de la traduction en français, l'introduction massive d'auteurs allemands sur le marché éditorial « officiel » (lui-même contrôlé pour tout ou partie par des capitaux allemands).

D'autre part, et compte tenu de ce programme officiel visant à promouvoir la littérature allemande (au sens large), l'intense couverture médiatique dans la presse d'Occupation des ouvrages ainsi traduits (vus alors comme les symboles d'une Collaboration intellectuelle réussie) révèle que la traduction était également perçue comme un enjeu de taille pour imposer en France la ligne idéologique de l'Occupant. Des journaux parisiens tels que Panorama - hebdomadaire européen (paru en 1943-44) ou Comoedia - Hebdomadaire des spectacles, des lettres et des arts, affichent notamment, pour la période de référence, un intérêt soutenu pour la traduction. En témoignent les très nombreux comptes rendus de traductions parues en librairie, les articles de fond sur des auteurs allemands (notamment les poètes : la poésie est alors explicitement considérée par l'Occupant comme le meilleur moyen pour connaître l'esprit d'un peuple - comprendre : le peuple allemand - et se voit donc très favorisée à ce titre), la parution dans leurs colonnes de larges extraits de textes traduits, voire des polémiques sur la manière de traduire de tel ou tel... On assiste même ponctuellement à des débats sur le statut du traducteur littéraire et la qualité des textes traduits (notamment leur conformité à la « ligne » idéologique en vigueur).


Mis à jour le 12 septembre 2017.